Rancoeur

Je crois qu’il y a de nombreuses choses, finalement, que je n’ai toujours réussi à digérer… Je me les suis longtemps cachées. Je me suis longtemps voilée la face avec des mensonges à moi-même, de faux espoirs, de fausses idées. Et puis je me suis toujours dis, et je le pense encore, que j’avais bien trop de chance pour avoir le droit de m’apitoyer sur quelques petits détails… Que ce n’était rien du tout. Que j’étais très heureuse.

C’est vrai. Je suis très chanceuse, et très heureuse. Mais le fait est que ces petits détails, qui sont bien réels,  ont tout de même duré plus de 20 ans et n’ont pas été sans conséquences. Des conséquences sur moi, sur mon corps, mon esprit,  mon entourage…
Des conséquences qui m’ont toujours accompagnées, tout au long de mon enfance, de mon adolescence, le début de ma jeunesse, et encore aujourd’hui. Toujours sous des formes plus ou moins différentes.

Aujourd’hui je sais que ces conséquences, et leur(s) cause(s), d’un autre côté, m’ont aussi permis de devenir celle que je suis devenue, et de vivre ce que je vie maintenant. Il n’y a pas que de bonnes choses, mais quand je pense à ce qui aurait pu ne pas être, ou ce qui aurait pu être à la place (mais ça je ne peux pas l’imaginer) j’en suis finalement très reconnaissante.

Oui. C’est très bien comme ça finalement.

Mais il y a maintenant une pointe de rancœur que je n’arrive malheureusement pas à effacer. Quelque chose qui reste en travers, dont je me suis aperçue il y a quelques temps. Une petite boule, un ressentiment qui reste bloqué près de mon cœur. J’arrive même à le sentir physiquement. C’est comme un nœud.

Je me suis rendu compte que durant tout ce temps, jusqu’à ce que je le rencontre,  je m’étais construite  une sorte de rêve de protection. Un imaginaire. Une réalité idéalisée. Parce que je ne  voulais surtout pas en vouloir à qui que ce soit.  J’ai préféré prendre sur moi et considérer que c’était normal. Qu’il n’y avait rien à reprocher, et donc rien à pardonner. Je savais bien que ce n’était pas facile. Que j’étais un problème. Un poids. Bien trop lourd à porter. Un poids que j’ai même fini par vouloir complètement effacer…

Mais cette bulle à éclatée et j’ai fini par me retrouver devant la vérité.

En fait, jusque là, je n’avais même pas de raison d’en vouloir à qui que ce soit puisque je m’imaginais que personne n’était coupable de quoi que ce soit.

Au contraire, je l’imaginais presque comme une victime lui aussi.
Parce que j’avais besoin de penser comme ça pour me protéger. De penser que, quelque part, il pensait ne serait-ce qu’un peu à moi. Que cela se voyait dans ses peintures… Et même dans les chansons de son artiste préféré. C’est idiot. Mais c’est tout ce que je savais de lui. Je ne pouvais construire mon rêve sur rien d’autre que sur ces détails là.

Et pourtant il est bien différent de ce que j’imaginais.

J’imaginais que la souffrance était au moins partagée.
Que j’existais pour lui.
Mais je me suis trompée.

Je n’existais pas.

Je n’ai pas existé jusqu’à ce que le poids que je m’imaginais représenter s’affaiblisse jusqu’au danger. Jusqu’à en laisser des séquelles.

Et puis elle m’a sauvée.
C’est Elle qui m’a sauvée, pas lui.
Celle qui a toujours été là pour moi, et qui a eu le courage de le recontacter.

J’ai l’impression d’être très dure, et je m’en veux presque. Je me sens méchante. Mais d’un autre côté, ça me libère tellement de l’exprimer…. J’ai l’impression que j’ai gardé longtemps en moi une souffrance qui n’a fait que grandir sans cesse, et que je n’ai jamais osé exorciser. En tout cas pas directement. Car cette souffrance est bien ressortie en réalité. Elle a débordée de toute sortes d’autres façons. En voulant tout prendre sur moi, je n’ai finalement fais qu’empirer le fardeau que j’étais pour ceux qui m’entoure. C’est le terrible paradoxe qui nous étreint quand on veut se faire une place. On finit par gêner encore plus, ou gêner réellement alors qu’on ne le ferait peut-être pas autant autrement. Mais ce fardeau, et toutes ces conséquences, lui il ne les a jamais portés. Ça été tellement plus simple pour lui, de rayer mon existence.Et de continuer à vivre. Librement. Simplement. Sans aucune responsabilité.

Tout ça je ne le réalisais pas vraiment pas jusqu’à ce que je le rencontre. Et je suis restée enfermée dans ma bulle encore longtemps après cette rencontre. Mais un jour je me suis rendu compte de la petite fille crédule que j’avais été.  En quelques mots qui résumaient sa vie, j’ai compris qu’il avait pu me jeter dans ce monde en considérant que ce n’était rien d’autre une bêtise de jeunesse. Un bêtise jamais assumée. Jamais reconnue. Un poids très vite oublié. Effacé.

Ça fait tellement mal de sortir de sa bulle et de se rendre compte de la vérité.

Il n’a pas voulu de moi pendant 20 ans, alors pourquoi l’accepterais-je aujourd’hui? Pourquoi continuerais-je de le voir ? Quelle sorte de lien pourrait-il y avoir entre nous? Je me sens horrible de penser ça, d’avoir cette rancœur, et de ne pas pouvoir m’en séparer… Mais c’est aussi pour ça que je l’exprime; pour qu’elle me quitte. Car pour le moment je ne vois plus rien d’autre que de la souffrance quand je pense à lui. Je ne peux l’associer à rien de positif.

C’est horrible ce que j’écris.J’aimerais le retenir en moi, ne pas le laisser paraître, en espérant que ça s’éteigne de l’intérieur… mais en même temps…. C’est comme si j’étais prise de schizophrénie quand je pense à tout ça. Je ne sais plus comment prendre les choses, ni ce que je dois croire ou penser, si je dois ou non pardonner, et s’il y a vraiment quelque chose  à pardonner… Si ce n’est pas seulement moi qui délire, qui m’attache trop aux détails, qui est dérangée…  Qui est un poids. Encore et encore…

C’est encore trop confus.
C’est trop compliqué.

Mais ça finira par s’arranger.

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